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juin 2006 : Service Public, Statut, Licenciements : Le Patronat prépare ton avenir

Quand le patronat traite des dépenses publiques... In Fonction Publique N° 129, publication de l’union Générale des Fonctionnaieres CGT.

Après les rapports Camdessus et Pébereau, voilà un nouveau rapport, celui de l’ « Institut de l’Entreprise » proche du Medef.

Son credo ? Haro sur les dépenses publiques qui doivent de toute force être réduites pour répondre aux exigences du libéralisme aujourd’hui. La variable d’ajustement, c’est une nouvelle fois l’emploi et les garanties des personnels.

Et le discours gouvernemental y fait fidèlement écho depuis un premier ministre qui glose sur les fonctionnaires comparés à des moules accrochées à un rocher jusqu’à un président UDF de la commission des finances du Sénat qui préconise de licencier des fonctionnaires en passant par toute la palette de déclarations et décisions qui se multiplient. Le dernier acte en date étant le projet de budget pour 2007.

L’ambition du rapport, avec « 37 propositions pour une meilleure maîtrise des dépenses publiques », s’inscrit dans le choix auto- qualifié de « politique raisonnable » et « responsable » : « en fait, les économies préconisées sont compatibles avec tout choix raisonnable. Aussi bien, l’objectif d’une très substantielle réduction de la dépense publique devrait-il être retenu par tout projet politique responsable ». Le rapport parle de stratégie « apolitique » transcendant les clivages droite- gauche. L’exemple de la coalition gouvernementale allemande est cité.

Disons le d’emblée, ce propos prétentieux doit être programme de stabilité 2007-2009 » contesté d’un double point de vue. En premier lieu, il est évident que les auteurs du rapport rejettent toute alternative à l’ultralibéralisme. C’est ce qui les conduit à proposer de tailler dans les dépenses publiques et d’engager une gestion à l’anglo- saxonne de la fonction publique. En second lieu, les auteurs sont très majoritairement des enseignants ou des hauts fonctionnaires de l’Etat qui pantouflent dans des entreprises privées, la déontologie de la fonction publique comme les principes républicains qui fondent son action n’étant manifestement parmi leurs « valeurs » essentielles. Le rapport propose de réduire les dépenses publiques de 100 milliards : de 45 à 52 milliards pour l’Etat, de 23 à 26 milliards pour les collectivités territoriales, de 23 à 27 milliards pour ce qui concerne les dépenses de la sécurité sociale. Rien que ça !

Le rapport explique longuement que les Français aurait le tort « de donner libre cours à cette préférence nationale pour la dépense sans inquiétude particulière », ajoutant que les économies peuvent servir « autant... pour réduire la poids des prélèvements obligatoires...que de restaurer la capacité d’action conjoncturelle des finances publiques ».

Les dépenses publiques ne sont appréhendées que sous l’angle du coût et non à l’aune des besoins sociaux et de l’investissement pour l’avenir. En fait le débat de fond est esquivé : Est il étonnant que les dépenses publiques se soient accrues ces 20 dernières années s’agissant pour l’essentiel de services rendus à la population dans des domaines tels celui de la santé, de l’éducation, des infrastructures collectives (routes, ferroviaire, etc...) ?

Dans tous ces domaines, l’intervention publique est décisive, source de progrès, et c’est cela qui pose problème au Medef et aux ultra- libéraux. On chercherait par ailleurs vainement une quelconque analyse critique des politiques de baisse d’impôts qui ont bénéficié principalement aux couches les plus fortunées ou d’exonération des charges des entreprises avec, la plupart du temps, aucun engagement en retour ! Alors qu’une telle approche permettrait d’aborder une des causes de la dégradation des finances publiques. De façon assez remarquable, le rapport note qu’à la différence d’autres pays, la qualité de l’administration et plus généralement des services publics n’est pas en cause. Ce que le rapport conteste au fond, c’est la conception d’une société solidaire, où l’individu a des droits avec des services publics encore accessibles à tous. Il faut diminuer la dépense publique en renvoyant la prise en charge de la réponse aux besoins vers le privé. Rien de surprenant donc à ce que le projet porté par le rapport soit celui du tout marché, toutes les activités doivent être « marchandisables » et accessibles pour ceux qui peuvent payer.

Quelles sont leurs propositions ?

On trouvera les solutions « tartes à la crème » sur les simplifications administratives ou sur les structures administratives...passons car ce n’est pas le coeur du propos... Chacun conviendra que ce n’est pas la fusion proposée entre la direction départementale de la jeunesse et des sports et l’inspection académique qui permettra des économies à la hauteur de 100 milliards !

Les lignes forces visent :

Pour l’Etat :

 Réduction du champ des missions publiques, suppression de services et développement de l’intégration européenne Ainsi par exemple, les moyens de police doivent être réduits pour répondre exclusivement aux « missions opérationnelles ». Est ainsi préconisée la poursuite de la politique Sarkozy avec des interventions « coups de poings » des forces de police alors que s’exprime au contraire le besoin d’une police de proximité. C’est la suppression des services locaux au profit de guichets d’accueils avec des centres de décisions toujours plus éloignés...

C’est encore la recherche de « mutualisations » au niveau européen, par exemple pour les affaires étrangères ou la défense, ce qui est très loin d’être neutre.

 Privatisation de missions publiques et recours généralisés aux prestataires privés Sont préconisés le développement du partenariat public- privé (PPP) et l’externalisation des tâches... Le partenariat, dit le rapport, « permet à l’administration de s’adjoindre la collaboration de véritables spécialistes ». Sont cités l’éclairage public, la gestion de voirie, les transports publics...Cette attaque en règle contre les ingénieurs et techniciens de l’Etat (DDE,DDA...) n’est évidemment étayée que de la seule certitude implicite que ces tâches doivent revenir au secteur privé !

Le rapport avance des économies en dépense de capital et de fonctionnement de 8 à 10% lorsqu’il y a un recours au PPP mais sans l’ombre d’une démonstration. Parce que, c’est bien connu, les entreprises privées ne seront pas là pour dégager du profit ! Là aussi pas d’analyse des conséquences des privatisations à France- télécom ou de la mise en concurrence imposée dans le secteur de l’énergie qui se traduit par des augmentations de factures de 48% pour les entreprises qui ont opté pour le marché déréglementé. Que dire de la gestion privée de l’eau qui, en moyenne, est de 28% plus élevée que la gestion publique ?...

Mise en cause des garanties statutaires des fonctionnaires et de l’emploi public.

Le rapport préconise « le passage (des fonctionnaires) à un statut contractuel de droit privé... Seuls les emplois « régaliens »... « resteraient soumis au droit public ».

« Ainsi par exemple, si les fonctionnaires de police doivent être maintenus sous le statut de la fonction publique, une partie des agents administratifs qui exercent pour le compte de la police de fonctions de type support (secrétariat, fonctions logistiques, services financiers, juridiques, informatiques, etc.) pourrait passer progressivement sous statut de droit commun ». Dans cette conception, 90% des fonctionnaires de l’Etat et la quasi-totalité des fonctionnaires territoriaux et de la santé auraient vocation à passer sous le droit privé. La France suivrait ainsi l’exemple de l’Italie qui a privatisé le statut des fonctionnaires en 1993.

Pour le rapport, cette évolution permettrait de mettre fin aux « injustices » qui frappent les non- titulaires ; tous les personnels seraient ainsi traités sur le même mode dégradé. Le modèle serait celui de France- télécom et de la poste « qui a permis d’atteindre de bons résultats au profit de tous » (sic) et de « réduire significativement le coût de production du service ».

Concernant l’emploi, le rapport déplore péremptoirement le fait que le budget de l’Etat 2006 comporte le remplacement à plus de 90% des 60 000 agents publics partant en retraite dans l’année » alors qu’il était possible, sans inconvénient pour la qualité du service public d’en recruter moitié moins » !

 Dégradation des conditions de travail des personnels et du niveau de service public

Pour l’Education par exemple le rapport propose de revenir au taux d’encadrement scolaire des élèves des années 90 et de supprimer les postes d’enseignants ainsi libérés...On reviendrait d’un effectif par classe de 23 élèves par classe à 24,1. Et Pourquoi pas 30 ou 35 ? La politique du logement devrait encore plus se réduire aux « publics les plus défavorisés ».

L’ARTT des salariés devrait être assouplie, les régimes spéciaux de retraite alignés sur le droit commun...

Faire payer l’usager

Ainsi pour l’université, les étudiants devraient payer plus dans le cadre d’universités « autonomes », avec un fonctionnement se rapprochant de celui d’une entreprise. Les collectivités territoriales dans l’oeil du cyclone Les mêmes recettes que pour l’Etat sont appliquées : guichets uniques inter collectivités, privatisation de tâches, etc. Les départements sont incités à accroître le contrôle des bénéficiaires du RMI... Les collectivités rentrent dans l’ ??il du cyclone de la politique libérale. D’un côté des transferts massifs de missions de l’Etat mais sans les moyens financiers et de l’autre il leur est demandé de participer à la réduction des déficits publics et de la dépense publique.

Les dotations de l’Etat, qui représentent environ un tiers des dépenses des collectivités locales, seraient ainsi réduites en les indexant sur l’inflation alors qu’il s’agit la plupart du temps de compensation de charges croissantes pesant sur les collectivités. Avec une telle politique, les collectivités territoriales vont se retrouver très rapidement à une situation d’asphyxie, dans l’incapacité de remplir les missions qui sont les leurs, avec des conséquences sur l’emploi, la qualité et l’avenir du service public.

La sécurité sociale et des organismes gérés par les partenaires sociaux

Dans ce domaine le rapport préconise le regroupement de caisses, le développement de la concurrence entre opérateurs, par exemple pour la gestion locale des risques de la sécurité sociale.

Les hôpitaux devraient poursuivre la suppression de lits, de laboratoires d’analyses et de plateaux techniques...

Le rapport va encore plus loin en s’attaquant au remboursement à 100% qui devraient être limité aux affections de longue durée, sur une période déterminée, avec un renouvellement soumis au médecin conseil de la sécurité sociale...

Pour ce qui concerne les organismes gérés par les partenaires sociaux, les recommandations sont de ne pas revaloriser les conditions de liquidation des allocations chômage au prétexte de l’amélioration de la situation de l’emploi , de mettre fin aux particularités du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle...

C’est le président UDF de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, qui donne le ton en préconisant de supprimer des services de l’administration comme au Canada. Dans ce pays, 20% des effectifs soit 90 000 fonctionnaires ont été licenciés. C’est là sa référence. Il n’hésite pas à déclarer : « oui, on peut envisager de formules de licenciements négociés de fonctionnaires ». Pour Arthuis, il faut supprimer des emplois pour financer « 6 milliards d’euros de manque à gagner pour les caisses de l’Etat » : « 5 milliards au titre des allègements de l’impôt sur les ménages et 1 milliard pour compenser la baisse de la taxe professionnelle ». Et pour lui l’objectif est de poursuivre dans cette voie bénéficiant aux plus riches et au patronat.

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, le président du comité des finances locales, Gilles Carrez, préconise lui la mise en oeuvre d’un plan de réduction des dotations de l’Etat aux collectivités locales dès 2007.

Et le premier ministre, lors de sa conférence de presse du 2 juin, affirme vouloir présenter « un engagement national de baisse de la dépense publique ».

Il s’agit d’aller plus loin dans les restrictions budgétaires avec l’objectif d’un gel des dépenses sans tenir compte de l’inflation. Ces orientations visent en fait la mise en oeuvre du « des finances publiques négocié avec Bruxelles. Avec l’orientation actuelle, c’est l’emploi public et le service public lui-même qui sont visés. Les conséquences portent sur les jeunes à la recherche d’un emploi stable. Elles touchent la population, en particulier les couches les plus vulnérables, qui subit d’ores et déjà la dégradation du service public, avec des délais de réponse plus longs, des bureaux fermés, des prix d’accès aux prestations plus élevés.

Dépenses publiques

La France se situe dans la moyenne européenne des prélèvements obligatoires. Il est à noter à cet égard que le discours sur la réduction des dépenses publiques est véhiculé dans tous les pays d’une Europe qui se construit sur un projet libéral. ( Il est à noter que c’est en Suède, pays que le gouvernement présente souvent comme modèle, que les prélèvements obligatoires sont les plus importants. Dans cette logique, le citoyen doit devenir un consommateur tout au long de son existence, face aux services. Certes, il resterait de services de base accessibles à tous, mais ceux-ci seront des services type samu- social. Pour les prestations de qualité, ce sera en fonction de la capacité de payer de chacun. Il est ainsi induit une rupture au regard des principes républicains d’égalité des droits du citoyen.

C’est bien un choix de société qui est en jeu !

A l’opposé, les services publics sont au centre d’une logique antilibérale, pour une société solidaire.

La question des financements est évidemment centrale.


La finalité de la gestion des services doit être l’efficacité sociale. Elle impose de disposer des moyens financiers nécessaires et de mettre en oeuvre une utilisation optimisée de l’argent public. De la même manière, les services publics doivent pouvoir disposer des moyens de développement avec les financements publics correspondants.

Le besoin d’une nouvelle répartition des richesses, du financement solidaire de la réponse aux besoins sociaux pour les services publics ne peut être éludé. Ceux-ci doivent également pouvoir coopérer entre eux au plan national comme en Europe, c’est une des conditions pour une gestion efficace. Pour cela, de profonds changements sur le fond même des orientations économiques et sociales sont nécessaires au niveau européen. Les textes et directives qui entravent la gestion et le fonctionnement des services publics doivent être combattus.

Il est au contraire nécessaire que les services publics soient pleinement reconnus au plan juridique et institutionnel.

Dans le même temps la démocratisation des services publics est une dimension essentielle de leur reconquête.
 Des droits nouveaux sont à reconnaître aux fonctionnaires. Par exemple , les instances consultatives, les CTP particulièrement, doivent pouvoir être consultés sur l’ensemble des questions budgétaires, en particulier pour ce qui concerne la loi de finances depuis l’amont avec le « projet de performance annuel » institué par la LOLF jusqu’au « rapport annuel ».

 Le besoin de service public comme les questions de son organisation, de son efficacité ne peuvent être définis sans l’intervention du citoyen. Les usagers doivent pouvoir disposer de moyens d’intervention au travers notamment d’instances telles les commissions des services publics, locales, départementales, nationales.

 Un grand besoin de transparence demeure en ce qui concerne les circuits financiers publics et l’utilisation de l’argent public. La mise en place à tous les niveaux de commissions de contrôles de l’argent public associant notamment les organisations syndicales est une question décisive.


Article publié le 4 juillet 2006.


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